Cher Charlie,

Depuis 2008, je crois, je glisse le journal au pied du sapin pour Matthieu. Et toute l'année, on reçoit Charlie Hebdo, je peste parfois contre la couv' un peu provocatrice et qu'il faut veiller à planquer derrière le canapé pour que les enfants ne tombent pas dessus...

Au début, je ne le lisais pas. Puis petit à petit je m'y suis mise, j'ai eu mes rubriques préférées, j'ai commencé à rigoler, à repérer le trait de crayon de tel ou tel dessinateur. Souvent tout de même, je dis : rhoooooo !

Il y a quelques semaines, j'ai renvoyé le bulletin d'abonnement avec un petit mot expliquant tout ça, et en m'excusant de payer le prix fort, refusant de bénéficier de la remise spéciale de fin d'année : pas question de brader Charlie, envie de contribuer un  peu plus à la survie du journal un peu mis à mal ces derniers temps, notamment avec la concurrence de la presse sur internet.  Et puis on avait aussi envoyé un petit quelquechose à Presse et Pluralisme, pour tenter d'aider un peu l'équipe à se projeter dans l'avenir.

Alors mercredi dernier j'ai été atterrée, consternée, bouleversée. D'abord parce que les noms des victimes, c'étaient des noms que je connaissais. Oui, c'est idiot, c'est un peu égocentré, mais c'est comme ça. Puis parce que c'était un peu de chaque mercredi dans notre boîte aux lettres qu'on avait attaqué et surtout beaucoup de liberté d'expression; il m'est apparu inconcevable que cela ait pu arriver aussi violement.

J'ai été émue de voir fleurir autant de #JeSuisCharlie, autant de réactions. 

J'ai eu les yeux rivés sur l'écran de l'ordinateur pendant la traque des terroristes. Même si tout ne pouvait se finir que de cette façon, j'ai été un peu gênée du dénouement de l'affaire (je les aurais bien abonnés au journal à perpétuité, tiens !).

Je dois admettre être heureuse de voir les gens descendre dans la rue pour témoigner de leur indignation devant le terrorisme. Je suis embarrassée de ce sentiment de nationalisme qui émerge : je ne suis pas fière d'être française, je suis plutôt heureuse de vivre dans ce pays qui nous permet et nous donne autant de libertés, et cette actualité accablante m'en fait avoir conscience plus fort. 

J'ai renvoyé un petit quelquechose à Presse et Pluralisme. Et ce dimanche, nous sommes allés à Lyon pour participer à la marche républicaine. Il y en avait, du monde. Je me suis bien demandé ce que j'y faisais, quelles étaient mes raisons. Puis je me dis que j'ai juste aimé faire partie d'un tout que j'espère être juste "humaniste".

Et maintenant, j'ai hâte d'être à mercredi prochain (ou à jeudi, en fonction de la gestion du courrier) pour avoir le prochain numéro.

Et j'espère très fort que ça va durer encore. Parce que sinon, je devrais me creuser encore plus la tête pour trouver des idées de cadeau de Noël pour Matthieu qui ne soient pas liées à la montagne !